"Le monde est parti, il faut que je te porte."
Paul Celan
"Je suis inconsolable, sais-tu ? Mais j’ai besoin d’être veillé."
Parole de patient
« Je suis inconsolable, sais-tu ? Mais ta présence m’adoucit le chagrin, elle panse mon chagrin. Sans le faire disparaître, elle lui fait un doux petit berceau où reposer, veillé par toi.
Il est tellement bon ce repos : rien n’est pire que d’être seul dans le chagrin, sous le regard de l’autre qui te fait honte avec ses conseils : Secoue-toi !
Avec toi qui es présent sans rien attendre, j’ose lever un pan de voile sur l’intime de l’intime, la honte de ma souffrance, et, avec toi, cela est triste certes, mais d’une tristesse partagée dans l’humanité qui nous est commune. Je ne suis plus seul.e
Alors, n’essaie pas de me consoler, je sais vivre avec le chagrin sais-tu ? Mais pas avec la honte …
Reste juste là, avec moi. Faisons ainsi humanité, une humanité qui veille, accueille et ne juge pas. »
En réponse à ce chagrin, le/la thérapeute propose une présence, d’une qualité toute particulière, que Jean Oury – grand psychiatre humaniste – appelait « la veillance ».
Cela, on ne peut l’attendre de ses amis ou de sa famille, qui, bien attentionnés, vous offrent leur bienveillance, cherchent à faire votre bien en trouvant des solutions, qui leur paraissent bonnes pour eux bien sûr, pas forcément pour vous. …
La veillance, c’est l’accueil de l’autre, tel qu’il est, là où il est, c’est la disponibilité à ce qu’il est, à l’instant de la rencontre, sans vouloir pour lui, autre chose…
C’est résonner à sa souffrance en la reconnaissant comme nôtre également, parce qu’humaine.
C’est le partage de l’intime, authentique dans l’ici et maintenant, sans objectif à atteindre, sans chemin tout tracé, qui ouvre cette découverte de soi-même et de ses ressources propres, ignorées jusqu’alors.
En réponse à ce chagrin, la thérapie offre un pari ; celui d’une rencontre, de personne à personne, imprévisible, surprenante, dans laquelle chacun – thérapeute avec patient – se découvre comme il ne se connaissait pas, et s’émerveille de cette découverte.
Parce qu’un autre se tient près de moi, sans savoir le pas d’après, sans vouloir pour moi, juste présent dans son humanité sensible, il m’ouvre à ma propre humanité et à mes possibilités d’exister.
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